Il a ceux qui, chaque année, attendent l'arrivée du Beaujolais nouveau, le début de la saison de hockey ou Woodstock en Beauce. Moi, dès que l'automne arrive, j'attends le Nothomb nouveau.
Régulière comme un métronome, l'auteure belge Amélie Nothomb n'a jamais manqué un rendez-vous automnal avec ses lecteurs depuis la parution de son premier roman en 1992. Le voyage d'hiver prendra donc la place qui lui est due dans ma bibliothèque, à côté de ses 17 autres romans.
Oui, un roman d'Amélie Nothomb c'est vraiment comme le Beaujolais nouveau. Il arrive toujours vers la même époque, se déguste immédiatement et rapidement, vous apporte une dose festive pour le temps d'une soirée puis... on passe à autre chose jusqu'à l'automne suivant.
Parfois, année après année, les millésimes ont tous un peu le même goût, il est vrai, mais ce n'est jamais de la piquette. Ses plus grands crus, à mon avis, elle les a écrits assez tôt dans sa carrière. Je pense en particulier à Hygiène de l'assassin ainsi qu'à Stupeurs et tremblements.
Je ne cacherai pas, cependant, que je souhaiterais que ma chère Amélie sorte un peu des ornières littéraires dans lesquelles elle s'est enlisée au cours des dernières années pour me surprendre avec un roman qui m'amènerait dans un autre univers.
Le voyage d'hiver
Bon, voilà pour le préambule qui était sans aucun doute trop long. Parlons maintenant du roman lui-même. Nous sommes à l'aéroport d'Orly, à Paris, où nous faisons la connaissance d'un homme au prénom étrange de Zoïle. Il se prépare tranquillement pour son moment de gloire personnel : détourner l'avion pour le lancer sur la tour Eiffel. En attendant son vol, il écrit dans un cahier les raisons qui l'amènent, aujourd'hui, à poser ce geste qui semble insensé.
Zoïle n'est pas un terroriste, loin de là. Il n'a aucune cause à défendre. Son geste n'est que le point final à une histoire d'amour impossible. Amoureux fou d'une femme au prénom tout aussi improbable que le sien, Astrolabe, celle-ci lui refuse l'intimité pourtant si nécessaire pour construire une histoire à deux car, il faudrait que cette histoire puisse se conjuguer à trois pour réussir.
En effet, Astrolabe a fait le serment de s'occuper d'Alianor, une déficiente mentale qui a l'étrange talent d'inventer des romans qu'elle dicte à Alianor. La relation entre Astrolabe et Alianor est plus que de la promiscuité, c'est une véritable symbiose. En fait, les seuls moments où Zoïle peut être seul avec sa bien-aimée, c'est lorsqu'ils sortent pour faire le marché. Or, vivre son amour au marché, ça ne peut pas marcher...
Devant le grotesque de la situation, l'amour de Zoïle se transforme en haine. «On est vraiment indulgent que quand on est amoureux fou; dès qu'on aime un rien moins, la vacherie naturelle reprend le dessus».
C'est donc pour se venger de l'amour exclusif qu'Astrolabe lui refuse, qu'il a décidé de détruire ce qu'elle aime le plus dans Paris, cette tour en forme de A, comme dans Astrolabe.
Comme toujours, on apprécie la plume alerte d'Amélie Nothomb, son humour noir, ses personnages désabusés et sa maîtrise des mots. Plus qu'une maîtrise d'ailleurs, c'est plutôt une immense connaissance des mots, de leurs origines et de leurs sens profonds.
Ma note : 7/10. Un bon Nothomb, mais sans véritable surprise.
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